« Quand elle arrivera visage ne cache rien, offre toi telle que la vie
t’a fait, tiens en toi là, là où tu seras le plus visible, dans la lumière
de néon, ne cache rien, ne cherche pas à paraître plus beau, plus
formidable, plus éclatant, montre toi, place toi sous le néon, dan,s la
position du ravi, dans la position de l’abruti, par amour que l’aimée
vient cueillir. »P. Rambert, Le début de l’A.
Le rapport au public se trouve lui aussi confronté à cette intention de ne rien cacher, de dévoiler au-delà du social, au-delà de la représentation, de l’image, ce qui pourrait faire sens en chacun de nous.
Proposer une immersion dans l’instant, au travers d’une expérience sensorielle, tant spatiale que temporelle, afin de « rechercher et savoir reconnaître qui et quoi, au milieu de l’enfer, n’est pas l’enfer, et le faire durer, et lui donner de l’espace », nous dit Italo Calvino dans Les villes invisibles.
Le rapport au public acquiert une singularité résidant dans le simple fait que celui-ci ne se trouve pas face à une représentation. Il se situe dans, avec et autour de ce qui se déroule.
Il en est tout à la fois l’acteur et le témoin. Sa présence est tant indispensable, c’est à lui de se créer sa propre logique narrative et dramaturgique, plutôt que superficielle, qu’il se trouve ou non dans l’espace, la pièce conserve son rythme et son histoire. Rien n’est donner comme étant prêt à consommer, à voir, à percevoir, tout se situe dans la possibilité d’éprouver une succession d’instants, ce qu’Harendt définit comme un « non-espace-temps », une « région de penser », où le présent n’existe pas, où la question essentielle est celle du devenir.
Donc pas de scène. Pas de rapport frontal. Pas d’instrumentalisation des sensations. La réception de l’acte se veut avant tout décéptive, comme pour barrer la route à une fausseté des
sentiments, à un pathos trop lourd. Le temps s’étire, se déconstruit, se disloque pour ne plus
être métré, pour se libérer, pour s’affranchir, et permettre à chacun de passer d’un espace-
temps représenté à un espace-temps vécu.